Entre architecture et graffiti, l’interview de Chufy

Chufy est un artiste autodidacte né à Genève et travaillant actuellement à Lyon. Passionné d’architecture, il commence à peindre suite à ses études de design graphique. Vous avez pu le découvrir au détour des rues de Lyon ou lors d’expositions comme pendant la première édition de Spraying Board en mars 2020 où nous exposions ses 4 skateboards. Il aborde ici ses sujets de prédilection, sa manière de travailler et ses projets à venir.

L’architecture a-t’il été l’un des éléments déclencheur du début de tes créations ? Quels sont tes sujets de prédilection ?

Chufy : L’architecture m’a toujours intéressé, ou plutôt l’aspect technique et mathématique qu’est le dessin d’architecture. J’ai toujours été attiré par l’espace dans lequel on vit, la dimension des éléments qui nous entoure, leurs volumes et la manière dont les gens perçoivent et retranscrivent l’espace environnant. Le dessin d’architecture est l’inspiration principale de mon travail, la perspective m’a toujours guidée, je l’utilise comme un outil permettant de créer d’innombrables possibilités tout en étant contraint par une règle technique. C’est ce côté modulaire qui est la base de mon travail, comme un architecte qui dessine une maison, rajoutant au fur et à mesure de nouveaux volumes, de nouvelles lignes s’imbriquant les une aux autres jusqu’au résultat final. 

Tableau Street Art par Chufy à Lyon
Dystopie, 2020, acrylique sur bois — Chufy

Tu es inspiré par Escher, Vasarely ou Braque. Et dans l’art urbain, qu’est ce qui t’inspire ?

Escher et Vasarely m’ont en effet toujours inspiré, car ils voyaient leurs arts comme une science basée sur les mathématiques. Dans l’art urbain plusieurs artistes m’inspirent, notamment certains artiste de l’abstraction comme SatOne, ou encore Erosie, qui ont inventé leurs propre langage de formes et de couleurs. 

Fresque Street Art dans un couloir par Chufy et Kesadi
Fresque dans le gymnase de St-Maur des Fossés — S.m.art par Chufy et Kesadi 2019

Tu as visité plusieurs villes, lesquelles t’ont influencé ?

En Amérique latine, beaucoup de ville m’ont inspiré, notamment Medellin en Colombie, Quito en Equateur et tant d’autres. Ce sont des villes ou l’architecture m’est apparus comme un « chaos » de construction et reflète en réalité les problèmes de pauvreté des différents pays. Dans certains quartiers les habitations s’empile les une aux autres, créant des assemblages de formes et volumes impromptues. Peu de choses ont l’air définis à l’avance et l’architecture se modélise au fur et à mesure comme un « mauvais jeu » de construction basé sur aucune règle. 

Quelles sont les différences entre tes oeuvres de rue, orientées graffiti, et tes tableaux ?

Les peintures en extérieures sont très différentes de mes oeuvres d’atelier sur l’aspect pictural final, mais l’idée générale reste la même. Sur mur je me contrains souvent à jouer avec les lettres de mon nom, ce qui n’est pas le cas en atelier. Même si les supports diffèrent entre une peinture à l’extérieur et une oeuvre en atelier, mon travail garde l’idée de jouer sur la perception des formes et des volumes.

Fresque de Chufy, graffiti et lettrage. En 2020 à Lyon.
Fresque de Chufy — 2020

C’est quoi le support qui te ferait rêver et que tu n’as jamais fais ?

Je travaille actuellement sur quelques projets de sculpture, ou plus précisément d’assemblage de bois. J’essaye de retranscrire mes peintures vers un volume en trois dimensions. C’est ce côté sculpturale qui m’intéresse, apprendre à jouer avec la véritable dimension de l’espace. Je m’intéresse de plus en plus au mobilier en général et j’aimerais expérimenter dans les années à venir la création de mobiliers (chaises, tables, meubles, etc.), c’est un projet que j’ai, mais qui demande d’autres compétences et un savoir-faire de personnes extérieures. 

Quelles sont tes étapes de création ?

Je dessine après avoir placé différents points de fuites qui constituent la contrainte de ma création. Celles-ci me guident vers une esquisse à la fois dictée où les possibilités en sont infinies. Chaque peinture est construite au fur et à mesure, comme une architecture qui évolue, où les éléments s’imbriquent les uns aux autres, créant ainsi de nouveaux volumes, passages et ouvertures.

Tableau de ville avec paysage urbain et maison par Chufy
 » La ville est un théâtre en constant mouvement. Le temps d’un répit elle s’immobilise. Attendant son dénouement.  » — L’entracte par Chufy

Ces derniers temps, on peut te voir dans une représentation plus figurative de l’architecture, avec notamment « L’entracte », tu tends vers ça sur le long terme ?

J’ai toujours fait des tableaux qui tendent vers une représentation figurative des choses. L’abstraction a pris le dessus au fil des années, car j’ai toujours trouvé plus intéressant de laisser libre part à l’interprétation du spectateur. Chose que l’on impose lors d’une représentation figurative des choses. En effet, j’ai refait quelques tableaux basé sur une réalité, c’était pour moi le bon moment durant cette période spéciale. Notamment ce tableau « l’entracte » qui représente une ville immobile, mise sur pause. Qui essaye de retranscrire l’ambiance ressentie pendant le confinement. Dans le long terme, je ne sais pas, je ne veux pas me catégoriser dans un seul et même univers et me dire de ne faire que ceci ou cela. Ce n’est qu’une période de création en fonction de l’état d’esprit du moment. Je vois cela comme une branche d’expérimentation parmi tant d’autres pouvant être explorée. 

C’est quoi ton dernier projet en date ? Où est-ce qu’on peut te retrouver ces prochains mois ?

Je viens de terminer plusieurs collaborations avec différentes marques. Notamment Opinel pour qui j’ai créé un visuel pour une collection de couteaux limités à 500 exemplaires. En résonance avec l’Opinel géant que j’ai peins l’année précédente à Saint-Jean-de-Maurienne, ville qui a vu naître cette marque. Et aussi avec le 9ème Concept pour l’Art Edition 2020 de la marque Desperados qui depuis 20 ans collabore avec des artistes pour dessiner l’étiquette des bouteilles. Une exposition était initialement prévu pour la fin de l’année chez Chromatique mais celle-ci va être décalée à l’année prochaine en vue des restrictions actuelles. 

Opinel customisé par Chufy, interview par Superposition
Acrylique sur Opinel n°7 avec Art by Friends — Chufy 2017

Un grand merci à Chufy pour cette interview.


Pour aller plus loin :